Recadrer nos attentes envers les enfants à besoins particuliers
On le sait, les enfants ayant un diagnostic invisible ont tendance à être davantage perçus comme des enfants dérogeant des consignes « pourtant simples ». On a l’impression qu’ils sont capables, au même titre que les autres enfants et ce, parce que… ils leur ressemblent tellement! On a tendance à oublier leur diagnostic, ce qui, par exemple, peut faire en sorte que les séquences de consignes sont plus difficiles à intégrer. Le fait de ne pas s’y conformer n’est pas de l’opposition pure et dure ni une façon d’attirer l’attention négative.
Nos interventions pour faire comprendre notre désaccord aux enfants à besoins particuliers en situation de non-conformité aux consignes peuvent donc être inadaptées.
Comment arriver à adapter nos attentes (et nos interventions)? En comprenant bien les besoins sous-jacents au comportement. C’est ce que j’appelle « le principe de l’iceberg ». La pointe de l’iceberg représente le comportement : ce qui est observable, mesurable, tangible. Or, sous la surface, il y a beaucoup, beaucoup plus de glace qui peut prendre des formes insoupçonnées, tout comme les besoins qui poussent un enfant à adopter un comportement plutôt qu’un autre.
LA question à se poser est donc : à quel(s) besoin(s) l’enfant répond-il? Un besoin d’attention? D’appartenance? D’expression d’une émotion? D’expression de soi? De comprendre? De se faire comprendre? En arrivant à identifier le besoin et en le reflétant à l’enfant tout en nommant l’interdit de son comportement (par exemple : « Je comprends que tu as besoin d’espace. Par contre, tu ne peux pas pousser ton ami pour l’exprimer. »), il se sentira compris et moins anxieux. Cela augmentera son sentiment d’appartenance, de sécurité psychologique (« Youppi, on me comprend! On voit au-delà de mon comportement! ») et de compétence et lui permettra d’être plus réceptif aux comportements prosociaux à développer.
Et comment comprendre le besoin?
Il n’y a pas trente-six-mille solutions : l’observation est la clé. Prendre le temps d’observer, de comprendre, de questionner les parents en lien avec certains comportements de leur enfant et demander l’avis de vos collègues, de la conseillère pédagogique. Il y a aussi une grille ABC qui peut être complétée :
Antécédents (Où? Quand? Avec qui?)
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Comportement (L’enfant a fait quoi, objectivement?)
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Conséquence (positive ou négative)
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Lundi matin, 9h
Dans le local, à table
Moment de la collation
Assis à côté de Sophie
Sophie parle fort
Simon lui demande d’arrêter plusieurs fois
Sophie continue et rigole
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Simon tape Sophie sur la bouche
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Négative :
Sophie pleure
L’éducatrice réprimande Simon (« On ne frappe pas! Excuse-toi! »)
L’éducatrice tente de comprendre le comportement de Simon (« Pourquoi as-tu frappé? »)
L’éducatrice valide l’émotion de Simon et donne un comportement alternatif : (« Je comprends que tu n’aimes pas quand Sophie parle fort. Tu peux lui dire avec des mots ou venir me voir si cela ne fonctionne pas. »)
(Simon apprendra qu’il y a des conséquences négatives lorsqu’il frappe)
Positive :
Sophie pleure
L’éducatrice demande à Sophie pourquoi elle pleure encore, en levant les yeux au ciel
Sophie dénonce Simon
L’éducatrice ne la croit pas
(Simon reproduira ce comportement)
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Cette grille permet de comprendre le contexte dans lequel un comportement survient et les facteurs (conséquences positives ou négatives) qui peuvent expliquer que ce même comportement se répète ou non.
Donc, en comprenant bien les besoins de l’enfant, on peut ressentir plus d’indulgence et d’empathie à son égard et ainsi, lui donner les outils nécessaires lors de notre intervention pour l’aider à développer des comportements compensatoires adéquats.
Stéphanie Deslauriers