L'enfant et l'apprentissage de la cuillère

L'enfant et l'apprentissage de la cuillère

Apprendre à utiliser une cuillère représente un incontournable de la petite enfance. En tant qu’ergothérapeute, je reçois souvent des questions à propos de l’utilisation des ustensiles. Voici quelques réponses à des questions fréquentes au sujet de la cuillère.

L’enseignement de la cuillère débute bien avant que bébé soit en mesure de tenir cet instrument seul. En fait, dès que ses parents commencent à le nourrir avec une cuillère, bébé débute son décodage de la forme de l’outil et à ouvrir la bouche en anticipation de la cuillère. Il apprend rapidement à tourner sa tête pour mieux s’orienter face à la cuillère et enfin, à participer à la sortie de la cuillère en pressant avec ses lèvres sur le bol de la cuillère. Entre 9 et 12 mois, on peut lui offrir une cuillère qu’il pourra tenir dans ses mains pour jouer pendant qu’on le nourrit. Par la suite, il entreprendra un long parcours d’apprentissage jusqu’à la maitrise de l’utilisation de cet ustensile. Voici les stades qui composent l’apprentissage de l’utilisation de la cuillère.

Référence pour les normes : Hand function in the child; Henderson & Pehoski; Mosby1994

Les différentes cuillères disponibles en vente libre sont généralement adéquates pour l’enfant qui se développe bien. Lorsque des difficultés importantes et persistantes surviennent, l’achat d’une cuillère adaptée peut être justifié. Voici quelques informations qui peuvent être utiles, mais une consultation en ergothérapie est alors recommandée pour le choix de la bonne cuillère.

Les manches courts : En fonction de l’âge; plus l’enfant est jeune, plus le manche devra être court.

Les gros manches : Ils représentent une bonne assistance pour les enfants qui ont des difficultés de préhension.

Les manches texturés : Bons pour les enfants qui manquent de discrimination tactile (ils ne sentent pas bien la cuillère dans leur main et ont tendance à l’échapper).

Cuillère lourde : Idéale pour les enfants qui ont de la difficulté à ressentir la position de leur corps dans l’espace (enfants généralement maladroits dans leurs mouvements et déplacements).

Bol de la cuillère plus court : Caractéristique appréciée par les enfants qui présentent une hypersensibilité du réflexe de vomissement (le cœur lève facilement quand la cuillère va trop loin).

Bol de la cuillère en plastique/caoutchouc : Protègera les enfants qui peuvent abimer leurs dents ou se blesser dû à une difficulté à contrôler la force du mouvement vers la bouche ou encore pour ceux qui mordent la cuillère.

Bol de la cuillère texturé : Augmentera la détection de la cuillère dans la bouche chez les enfants qui ont une faible capacité de discriminer ce qui se trouve dans leur bouche.

Cuillère avec bol peu profond : Utile pour les enfants qui ont tendance à mettre trop de nourriture dans la cuillère ou pour réduire les risques d’étouffement.

Cuillère avec manche courbé : Aidera les enfants avec un développement moteur plus lent, dont ceux qui ont de la difficulté à dissocier les mouvements de l’épaule, du coude et du poignet.

Cuillère thématique (ex. en forme d’avion ou avec image d’un personnage connu) : À proposer aux enfants plus vieux qui ne s’intéressent pas à la manipulation de la cuillère.

Cela dépend. L’alimentation avec les mains n’est pas seulement une forme immature d’alimentation, mais une expérience sensorielle essentielle au décodage des caractéristiques des aliments. Par cette expérience, l’enfant apprend à faire des liens entre ce que ses mains et ses yeux perçoivent de sorte qu’il peut anticiper la température, texture et résistance des aliments qu’il dirigera éventuellement à sa bouche avec sa cuillère, sans les avoir touchés. Ma perspective est qu’un enfant qui apprécie encore manger avec ses mains, malgré une capacité fonctionnelle à utiliser la cuillère, témoigne qu’il a encore des apprentissages à faire à ce niveau. Ce que je recommande dans ces situations est de déterminer certains repas ou collations que l’enfant pourra manger avec ses mains et d’exiger, à certains moments, qu’il pratique l’utilisation de la cuillère avec d’autres aliments. Il est cependant possible qu’un enfant préfère ses mains à la cuillère si le défi moteur de la cuillère est trop grand. Dans ce cas, on peut essayer différents types de cuillères ou un « outil » de transition, comme un crouton pour enfants de forme allongée qui peut être trempé dans du yogourt ou de la compote et porté à la bouche comme on le fait avec une cuillère, mais dans un contexte beaucoup moins menaçant. Nourrir papa ou maman à la cuillère peut aussi représenter une activité de transition intéressante.

L’apprentissage et le perfectionnement de la gestion motrice de la cuillère peuvent aussi se faire à travers des jeux agréables hors du contexte des repas. Voici quelques exemples :

• Transférer de petites quantités de riz, sable, petites pâtes ou autres petits objets (d’une dimension sécuritaire selon l’âge) d’un bac à un autre avec une cuillère;
• Pendant le bain, remplir un contenant avec de l’eau du bain à la cuillère;
• L’été, construire dans le sable ou tracer des traits avec une cuillère;
• Faire semblant de nourrir une poupée.

La fourchette et le couteau feront aussi partie de ces apprentissages reliés à l’alimentation autonome. Vers l’âge de 2-2 ½ ans, la fourchette peut être offerte pour piquer les aliments. Sa manipulation mature arrivera environ vers l’âge de 4 ½ ans. Pour sa part, la maitrise de plus en plus gracieuse du couteau pour étendre et couper s’échelonnera de 5 ans à 8 ans.

Josiane Caron Santha, ergothérapeute

Référence pour les normes : Hand function in the child; Henderson & Pehoski; Mosby1994

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