La dyspraxie... c’est quoi?
Trois enfants... les trois D de la dyspraxie
Dorothée arrive au parc et demeure immobile; elle aime d’abord regarder les autres enfants utiliser les équipements avant d’aller les rejoindre, cela lui donne des idées de comment s’amuser au parc. Quand les parents de Dorothée l’amènent à un nouveau parc et qu’il n’y a personne, Dorothée va toujours dans les balançoires. Elle choisit un équipement qu’elle connait bien et qui est pareil d’un parc à l’autre. Dorothée a de la difficulté à imaginer comment se placer sur les modules, comment elle bougera et ce qu’elle devra faire pour ne pas tomber. On pourrait dire qu’elle manque d’idées quant aux différentes possibilités de son corps en fonction des équipements; Dorothée présente une faiblesse de l’idéation motrice.
David n’aime pas les récréations. Il y a beaucoup trop de monde qui se déplace dans tous les sens. Lorsque quelqu’un arrive trop vite sur son chemin, le corps de David n’arrive pas à faire un nouveau plan devant l’obstacle et, trop souvent, il s’accroche sur la personne ou trébuche. En éducation physique, il a besoin de beaucoup plus de concentration, d’effort et de pratique que ses copains avant de devenir bon. Toutefois, une fois que quelque chose est maitrisé, David peut aussi devenir un vrai champion. On pourrait dire que le corps de David n’est pas automatique; il doit penser très fort à ses mouvements pour trouver comment les faire. Cette capacité de construire de nouveaux plans moteurs s’appelle la planification motrice.
Dino adore le sport. Il prend des cours de tennis tous les samedis. Malgré ses nombreuses pratiques, il a de la difficulté à s’améliorer. On lui dit souvent que ses mouvements sont trop hauts, trop forts ou faits au mauvais moment (trop tôt ou trop tard). Dino a déjà essayé la danse aussi. Il a rapidement appris les chorégraphies. Il les savait par coeur, mais n’arrivait pas à suivre le rythme tellement il devait rester concentré sur la position, la force et l’amplitude de ses mouvements. Cette capacité de faire des mouvements précis et automatiques s’appelle l’exécution motrice.
Un diagnostic
Ce qu’ont en commun Dorothée, David et Dino, au-delà de la première lettre de leur nom, est qu’ils ont tous reçu un diagnostic de dyspraxie motrice. Le préfixe « dys » indique un trouble. Alors que la dysphasie est un trouble du langage et la dysphagie un trouble de la déglutition, la dyspraxie est un trouble de la motricité qui agit au niveau de l’idéation, de la planification et de l’exécution des mouvements. Pour un enfant en particulier, un seul, deux ou même les trois aspects peuvent être affectés.
Le diagnostic de dyspraxie est habituellement identifié par l’ergothérapeute pour ensuite être formalisé par le médecin. Lorsque ce diagnostic est considéré, c’est qu’il n’y a pas un autre trouble de développement plus fondamental qui limite les praxies motrices. En d’autres mots, s’il y a immaturité du processus sensoriel (par exemple, l’enfant ne ressent pas bien son corps), un trouble de modulation de l’éveil (l’enfant n’arrive pas à être suffisamment calme ou actif pour lui permettre de bien faire les mouvements), l’enfant ne développera pas un contrôle suffisant de sa posture et de ses mouvements pour lui permettre de faire de belles praxies. La dyspraxie est un trouble persistant et handicapant. L’aspect persistant réfère au fait que la difficulté d’imaginer, planifier ou exécuter des actes moteurs sera présente tout au long de la vie (bien que des habiletés motrices précises pourront quand même être développées). L’aspect handicapant indique que le problème cause un handicap à la personne dans sa vie quotidienne.
Pour l’enfant dyspraxique, ce n’est pas qu’il manque de volonté ou de capacités ou qu’il n’a pas la possibilité de réussir et de fonctionner comme les autres sur le plan moteur, mais plutôt que le processus pour y arriver va différer un peu, entre autres :
Enfant sans dyspraxie : Pratique + Effort = Succès
Enfant dyspraxique : PRATIQUE + EFFORT = SUCCÈS
À retenir qu’un plus grand EFFORT implique la mobilisation de plus de ressources et d’énergie du système pouvant laisser l’enfant avec moins de ressources et, par dépit, de motivation pour gérer d’autres composantes de la tâche. Par exemple, Sébastien n’aime pas les activités d’écriture. Bien qu’il ne s’oppose pas en général à faire ses devoirs, il devient « capricieux » dès que la tâche implique d’écrire la réponse. Souvent il demande à ses parents d’écrire la réponse à sa place. Ses parents voient cela comme de la paresse. Sébastien est un champion des mots de vocabulaire durant l’étude. Il les regarde, voit les défis et les épelle par coeur avec peu d’effort. Cependant, au moment de la dictée, il fait plusieurs erreurs et son enseignante écrit souvent dans son cahier que sa calligraphie laisse à désirer. Pourtant, à la maison, lorsque le devoir est une page de calligraphie, les parents de Sébastien trouvent qu’il écrit relativement bien pour son âge. Ses parents ont de la difficulté à comprendre pourquoi Sébastien ne s’actualise pas durant la dictée selon ce qu’il arrive à faire à la maison. Lorsqu’on le questionne, celui-ci explique qu’il ne peut pas réfléchir à l’orthographe des mots en même temps qu’il doit réfléchir à la façon de faire les lettres. Aussi, dans la classe de Sébastien, tous les crayons des enfants sont mélangés et distribués par l’enseignante lors des périodes d’écriture afin d’éviter des pertes. Pour Sébastien, cela ajoute un défi alors qu’il doit chaque fois s’ajuster à un crayon différent (poids, texture, longueur, résistance de la mine). À la maison, puisqu’il utilise toujours le même crayon, cette partie de la tâche d’écriture a réussi à s’automatiser et ne demande pas d’ajustement de plan. Durant les tâches de composition, le défi de calligraphier, orthographier et générer des idées simultanément devient presque surhumain pour Sébastien! Ainsi, les conséquences de ce trouble peuvent être indirectes et se présenter au-delà de ce qui semble « moteur ».
À l’école
L’enfant dyspraxique risque de vivre des difficultés avec la gestion des déplacements, les sports, la posture à la chaise ainsi que la motricité fine, incluant la calligraphie.
Le trouble dyspraxique peut aussi affecter le contrôle des muscles du visage et de la bouche (mâchoire, lèvres, langue) et donc avoir un impact sur la production du langage.
Le trouble dyspraxique peut aussi affecter le contrôle des mouvements des yeux et occasionner des difficultés à bouger les yeux d’une façon coordonnée et automatique. Cela rend difficile non seulement les jeux de ballon, mais aussi les tâches de copie, qui demandent d’alterner rapidement entre deux cibles, et la lecture qui demande de déplacer graduellement les yeux le long des mots d’un texte. L’enfant dyspraxique aura ainsi souvent tendance à perdre la cible, sauter des lignes ou relire les mêmes lignes plusieurs fois. Évidemment, plus l’effort oculomoteur pour la lecture est grand, plus la création simultanée des images mentales nécessaires à la compréhension est difficile.
En bout de ligne, le trouble dyspraxique se répercute souvent aussi au niveau des idées, rendant la concentration, l’organisation et la communication efficace plus ardues.
Un peu de soutien
Les stratégies suivantes seront possiblement aidantes pour l’enfant dyspraxique :
- Comprendre qu’il ne s’agit pas de paresse ni d’un manque de motivation.
- Ajuster les attentes lors de nouveaux apprentissages afin que l’enfant vive le juste défi et ait suffisamment d’expériences de succès.
- Séquences visuelles ou verbales qui rappellent l’ordre de faire les choses.
- Aide-mémoires (ex. petite carte attachée au sac d’école avec la photo des cahiers à mettre dans le sac chaque soir).
- Apprentissages divers reliés au corps, aux muscles, aux positions, aux mouvements.
- Activités sportives qui permettent la répétition fragmentée de mouvements précis (ex. le karaté).
- Apprendre les nouvelles activités motrices d’une façon pragmatique (étape par étape) avec support visuel et auditif au besoin, en invitant l’enfant à intégrer le ressenti de ses mouvements. Par exemple, apprendre à attraper le ballon en pratiquant l’arrivée du ballon au ralenti pour laisser le temps à l’enfant de planifier ses mouvements pour l’attraper.
- Favoriser l’apprentissage de la calligraphie cursive qui est plus simple à maitriser sur le plan moteur (moins de repositionnements dans l’espace et plus fluide) et à automatiser.
- Différents logiciels/applications pour l’organisation des idées, l’orthographe, l’écriture, etc. peuvent être positifs pour faciliter le fonctionnement scolaire.
Josiane Caron Santha, ergothérapeute