Bonjour madame Caron,
Mon garçon, Zachary, a eu 5 ans en janvier. J'ai remarqué à 3 ans et demi qu'il avait un problème de diction.
Voici les mots avec lesquels il avait de la difficulté : gabanne, chelal, quemême, etc. J'ai aussitôt consulté le CLSC de ma région. Par le temps que j'ai eu un rendez-vous avec le bureau, le problème s'était corrigé par lui-même. Quand j'ai eu le fameux rendez-vous, ils ont découvert qu'il avait peut-être le trouble des sens. Ils m'ont dit d'aller voir un ergothérapeute.
Je veux savoir en quoi consiste votre travail et de quelle façon vous pouvez l'aider. Qu'est-ce que je peux faire pour l'aider dans son développement personnel?
J'ai le temps et la patience, j'ai une garderie en milieu familial et j'ai travaillé avec un jeune garçon qui a le syndrome de la Tourette et une petite fille qui est peut-être autiste. Je veux l'aider car il commence l'école en septembre.
Voici les problèmes que je constate avec lui : il n'est pas capable de manger avec les autres, n'aime pas les odeurs, n'aime pas la texture dans son assiette ou le mélange, cela lui lève le cœur et il vomit.
De plus, quand un enfant pleure ou crie cela lui fait mal aux oreilles. Ceci le rend agressif; il devient impulsif et il pousse ou crie pour que l'enfant arrête ou il s'en va dans sa chambre.
J'ai été obligée de consulter un pédodontiste anesthésiste pour qu'il lui répare les dents, car il n'est pas capable de se faire toucher la bouche. Je lui coupe les ongles et cela lui fait mal, est-ce le bruit que cela fait? Je ne sais pas. Il aime jouer avec les amis de la garderie. Il est généreux avec les amis, mais très timide avec les adultes qu’il ne connait pas.
J'attends des nouvelles de l'hôpital de Montréal pour enfants pour un test de son, le cheminement est très long.
Bonjour,
Suite à vos questionnements je crois que vous trouverez intéressante l’information qui suit sur les problématiques sensorielles. Le type de comportement que vous décrivez peut avoir deux origines qui sont plus communes.
- Fragilités touchant à la modulation sensorielle
- Fragilités touchant à la discrimination/conceptualisation sensorielle
Chaque enfant vient au monde avec ses particularités, non seulement en ce qui a trait à sa personnalité et à son tempérament, mais aussi dans sa façon de percevoir, gérer et répondre aux diverses sensations qu’il reçoit de son corps et de son environnement.
L’intégration sensorielle réfère au processus dans lequel nos sens alimentent notre système nerveux central en informations provenant de notre corps (position et mouvement du corps dans l’espace, sensation de fatigue, etc.) et de l’environnement (ce qu’on voit, entend, touche, goute, etc.) Le cerveau organise ensuite ces informations de manière à en faire du sens et à pouvoir y réagir adéquatement. Le processus d’intégration sensorielle comporte deux composantes, la modulation et la discrimination/conceptualisation.
- Tout d’abord, la modulation réfère à la capacité d’ajuster l’état du système nerveux (l’activer ou le calmer) de manière à ce que celui-ci fonctionne de manière optimale en fonction des demandes du moment. Une modulation efficace permet de bien filtrer les sensations (porter attention sur ce qui est important au contexte du moment et ignorer ce qui ne l’est pas). Chez certains enfants, on utilise les termes hypersensibilité ou hyposensibilité lorsqu’ils semblent trop ou, à l’inverse, insuffisamment réagir aux sensations. Un simple toucher peut être perçu comme de la douleur tandis qu’une blessure peut ne pas être remarquée du tout. Certaines odeurs et textures et certains gouts et bruits peuvent être insupportables pour un enfant avec un trouble de modulation et se traduire par des comportements difficiles à comprendre et à gérer (anxiété, rigidité, opposition, évitement, crises, etc.)
- Du côté de la conceptualisation sensorielle, l’enfant vit davantage de la difficulté sur le plan de la compréhension, de l’interprétation et de l’anticipation des sensations. Cette problématique est fréquente en autisme mais n’est pas exclusive à ce diagnostic. L’enfant peut avoir de la difficulté à comprendre et classer les gouts, les textures ou les odeurs. Par exemple, lorsque l’on prétend vous tendre un verre de jus et vous donne plutôt un verre d’eau à votre insu, votre système nerveux réagit, vous pourriez même recracher l’eau, étant inconfortable avec un gout que votre système ne comprend pas dans le moment.
Certains enfants se sentent ainsi devant les aliments. Lorsque nous regardons un aliment, nous pouvons anticiper son gout et sa texture, même si nous ne l’avons jamais mangé. Lorsqu’une odeur vient vers nous, nous faisons des liens avec des odeurs connues et tentons d’en déduire l’origine. Pour certains enfants ces processus ne se font pas très bien. Dans ces cas, il est aidant pour l’enfant d’apprendre à mieux connaitre ses sens et apprendre le vocabulaire lui permettant de décrire et de classer l’information qu’il reçoit. Par exemple, on fait des activités qui permettent d’étudier les textures (c’est collant, c’est piquant, c’est dur, etc.) Certains enfants ont aussi besoin de mieux comprendre la fonction des activités auxquelles ont les soumet.
Par exemple, pourquoi on a des ongles, pourquoi il faut les couper, etc. La coupe d’ongles, les soins aux cheveux et le dentiste sont des activités particulièrement difficiles parce que les sensations sont imposées à l’enfant et il ne les contrôle pas. On peut l’aider à mieux les gérer en lui faisant des dessins et en lui présentant une histoire (en images) qui lui permettra d’anticiper la séquence des sensations à vivre. Par exemple, tes ongles poussent sur tes doigts, comme tes cheveux poussent sur ta tête. Il faut les couper, car sinon ils vont devenir très longs et ce serait difficile pour toi de prendre des objets ou de mettre des vêtements. Quand je te coupe les ongles, tu vas sentir mes doigts sur ta peau ici, cela fera comme une chaleur. Ensuite, tu vas sentir le coupe-ongle qui est dur et froid. Quand je vais couper, ça va serrer un peu ton ongle et ensuite tu vas entendre ‘clic’ quand l’ongle sera coupé. Ton morceau d’ongle va tomber, tu vas pouvoir le ramasser et le regarder.
Les troubles sensoriels sont complexes. D’abord, d’autres problématiques sensorielles existent et n’ont pas été discutées ici.
Ensuite, un enfant peut présenter des fragilités tant sur le plan de la modulation que de la conceptualisation. De plus, l’état de nos enfants peut changer d’un moment à un autre, alors l’enfant n’est pas nécessairement toujours hyper ou hypo aux mêmes choses aux mêmes moments. S’il est anxieux, fatigué ou malade, il aura aussi plus de difficulté à moduler ou interpréter les sensations.
Comprendre le profil sensoriel de l’enfant est le point de départ. Il faut apprendre à décoder l’état de l’enfant selon les circonstances afin de pouvoir l’aider. L’ergothérapeute est le professionnel qui peut faire ce type d’évaluation et par la suite proposer des stratégies visant à améliorer le fonctionnement de l’enfant.