Les textures des aliments
Bonjour,
J’aimerais avoir quelques conseils pour ma fille de 15 mois qui ne veut toujours pas manger de morceaux... En fait, tout ce qui peut se manger avec les doigts, elle ne l’apporte pas à sa bouche, à l’exception des biscuits fondants qu’elle croque. Par contre, elle ressort les morceaux avec sa langue. Si je laisse de petits morceaux dans ses purées, cela lui lève le cœur. Si je continue à lui offrir ceux-ci, elle vomit tout son repas. Même les petits grains de riz ne passent pas. J’ai même essayé de lui offrir une barre de chocolat, mais elle ne veut rien savoir. Je ne sais plus quoi faire. Au moins, elle n’est pas difficile; elle mange de tout, mais tout doit être en purée... Si vous avez des conseils pour moi, écrivez-moi.
Merci,
Geneviève
Bonjour Geneviève,
Lorsque l’alimentation d’un enfant n’est pas synonyme de plaisir, un problème alimentaire peut être présent et des conséquences sur la santé peuvent en découler. Dans ce contexte, la prévention est toujours de mise. Ainsi, je juge essentiel de vous suggérer de consulter votre pédiatre qui vous dirigera vers un professionnel qui pourra investiguer l’origine de la problématique et accompagner votre enfant vers une alimentation normale. Je vous offre ici quelques informations dans un contexte éducatif; il ne s’agit pas d’un programme thérapeutique. Ces informations ne devraient pas substituer toute recommandation d’un professionnel ayant évalué votre enfant en personne.
La transition d’une alimentation exclusivement liquide vers une alimentation solide dure en moyenne entre 4 et 7 mois, selon les recommandations de votre pédiatre. L’introduction de différents gouts et textures progressera graduellement à un rythme qui sera dicté par vous et votre enfant.
Il est important de reconnaitre le fait que la capacité de tolérer différents gouts, odeurs, consistances et textures représente un apprentissage que le système nerveux d’un enfant doit faire; cette capacité n’est pas innée. Ainsi, chaque enfant progresse à un rythme qui lui est propre.
Lors des premières expériences avec les aliments solides, il n’est pas rare de voir des réactions de rejet par le système de l’enfant, résultant en une réaction de haut-le-coeur et parfois même des vomissements. Bien qu’il se situe dans la catégorie des sensations désagréables, le haut-le-coeur est une réaction normale de protection contre l’étouffement et l’enfant n’est pas en danger. La réaction du parent devrait, par le fait même, être descriptive. Il suffit de dire : « Tu as eu un haut-le-cœur ». L’adulte peut aussi être encourageant et, par exemple, dire : « La prochaine fois, ce sera plus facile, on va essayer encore. » L’important c’est que la réaction de l’adulte n’indique pas que ce qui arrive est anormal ou dangereux pour ne pas inquiéter l’enfant. L’enfant ne devrait pas apprendre de cette expérience que les petits aliments qui lui sont servis représentent une menace et qu’il vaudrait mieux les éviter. Un inconfort sensoriel bénin peut rapidement devenir un problème comportemental lorsque l’enfant apprend à refuser systématiquement tous les aliments nouveaux, d’une même forme ou d’une même texture.
Quelles sont les attentes pour un enfant de 15 mois?
Côté textures, à 15 mois, on s’attend à ce que l’enfant partage, en majorité, le menu familial préparé et présenté en petits morceaux faciles à mastiquer. Il devrait aussi pouvoir gérer des textures mélangées.
Pour arriver à cette étape, le système sensoriel et moteur de l’enfant doit développer trois habiletés :
- Son système nerveux doit réduire progressivement les différentes réactions et les réflexes involontaires qui lui ont permis de s’alimenter en toute sécurité depuis la naissance. Un réflexe est un mouvement automatique qui n’est pas contrôlé par la volonté. Notamment, il y a le réflexe de succion qui a permis l’alimentation au sein ou à la bouteille en réponse à une sensation tactile sur la langue. Ensuite, il y a le réflexe de vomissement qui s’active en réponse à une stimulation tactile ayant lieu sur certaines régions du palais, de la gorge et de la langue qui doit devenir moins réactif. Ce réflexe a pour fonction de prévenir que l’enfant s’étouffe. Il est très prononcé et facilement déclenché en début de vie pour éviter que l’enfant s’étouffe avec des aliments avant qu’il n’ait développé la capacité de les gérer. L’introduction graduelle des aliments solides va progressivement permettre au réflexe de s’atténuer avec le développement du contrôle de la mastication et de la langue qui pourra alors contrôler les aliments dans la bouche. Le réflexe ne disparait jamais complètement; il peut être déclenché si des aliments qui n’ont pas été mastiqués franchissent une certaine « zone de sécurité » au fond de la langue et du palais.
- Son système moteur doit développer des capacités de mastication volontaire assistées par le contrôle moteur de la langue et des lèvres.
- Son système tactile doit accepter une variété de textures sans se sentir menacé.
Il faudrait évidemment beaucoup plus d’information pour bien comprendre l’origine du malaise de votre fille par rapport à la nourriture solide. Néanmoins, voici quelques conseils et stratégies qui pourront peut-être aider.
DÉSENSIBILISER
- Encourager l’exploration de la bouche avec les mains, une cuillère ou des jouets ayant cette vocation. Les jouets allongés texturés sont intéressants (ex. tube à mâchouiller). Un crouton dur de forme allongée trempé dans ses purées peut aussi être une façon de motiver votre enfant à insérer un aliment solide dans sa bouche.
- Brosser un peu sa langue et son palais lors du brossage des dents. Essayer la brosse à dents électrique (pour sa vibration, pas pour brosser les dents) ou utiliser divers objets vibrants, selon sa tolérance. Ne jamais forcer votre enfant. Certains trouvent cette sensation désagréable; l’encourager plutôt à explorer.
ENTRAINER
- Vous pouvez tenter d’épaissir les purées avec, par exemple, du germe de blé pour entrainer le système à un changement de consistance sans simultanément changer la texture ni le gout.
- Choisir 2-3 aliments en morceaux (toujours les mêmes) et continuer à les offrir quotidiennement, sans lui mettre de pression pour les manger. Même si votre fille ne les mange pas, chaque exposition est une opportunité pour elle d’explorer la texture de ces aliments par la vue et, idéalement, par le toucher si elle les manipule. Ces expériences sont éducatives pour son système et prépare ce dernier pour la prochaine étape, soit l’exploration en bouche.
DÉMONTRER
- Prendre un des petits morceaux dans l’assiette de votre enfant et lui montrer comment le mastiquer et l’avaler en exagérant votre mouvement et en l’accompagnant de sons agréables (ex. « miam-miam…gup! »).
En conclusion, l’introduction des aliments solides demande de petits changements graduels, plusieurs expositions, de la persévérance et de la constance. L’attitude positive, le calme et les encouragements sont toujours de mise pour favoriser le succès de cette transition.
Références :
TESSIER, Marie-Josée. La dysphagie chez l’enfant, Clinique Pédiatrique de Dysphagie et d’Ergothérapie, 2008
TESSIER, Marie-Josée. Marqueurs précoces des problèmes sensoriels chez le jeune enfant présentant des problèmes d’alimentation, Mémoire de maitrise, École de réadaptation, Faculté de médecine, 2010
Josiane Caron Santha
Ergothérapeute