Les réelles excuses
Souvent, en tant qu’adultes, nous demandons aux enfants de s’excuser pour quelque chose qu’ils ont dit ou fait. Dans ces moments, les enfants se repentent-ils vraiment de ce qu’ils ont fait? Sont-ils capables de se mettre à la place de l’autre et faire preuve d’empathie? Parfois oui, mais bien d’autres fois non. Cela ne crée pas un réel changement et ne favorise pas une modification de leur comportement ou de leur manière d’agir. Comment peut-on donc développer l’empathie chez les enfants? Comment peut-on faire en sorte que, lorsqu’ils seront adultes, ils seront matures et sauront réellement considérer les autres? Voici quelques pistes.
1- Exprimez vos sentiments ou l’impact que les paroles ou les gestes des enfants ont sur vous ou sur un autre enfant. Évitez toutefois de tomber dans des explications sans fin, car les enfants ne feront que dérocher. Tout cela doit être fait dans un moment où l’intensité de l’émotion est descendue. Vous pouvez agir sur le moment, si vous êtes capables de le faire calmement. Par exemple, vous pourriez dire : « Quand tu cries après moi, ça me donne envie de crier ou de te donner une conséquence. Je garde mon calme, peux-tu y arriver toi aussi? Lorsque tu pousses Jérémy, ça le fâche (ou lui fait de la peine ou lui fait mal) et ça ne lui donne pas le gout de jouer avec toi après. Comment pourrais-tu faire autrement? Veux-tu essayer de te reprendre? »
2- Il est possible de faire un jeu de rôle en lien avec un comportement qui revient souvent. Ici, le but est de placer l’enfant dans le rôle de celui qui reçoit la parole ou le geste blessant afin qu’il ressente ce que cela peut lui faire vivre. Bien sûr, vous devez organiser tout ça sous la forme d’un jeu et vous assurer que les enfants ont du plaisir. Faites un retour sur l’activité avec votre groupe pour faire ressortir comment chacun s’est senti, ce que les enfants ont aimé ou moins aimé, etc.1
3- En tant qu’adulte, assurez-vous d’offrir de réelles excuses pour ainsi développer cette capacité d’empathie chez les enfants. Nommez l’impact que votre attitude a pu avoir sur un enfant, par exemple en disant : « Tu te rappelles quand je me suis fâchée hier? Je ne suis pas très fière d’avoir dit ce que j’ai dit. Les adultes aussi doivent apprendre à se contrôler. Je pense que mon attitude peut t’avoir fait peur (ou t’avoir fâché, attristé… nommez l’impact que vous pensez avoir eu sur l’enfant) et j’en suis désolée. Je vais réfléchir à ce qui m’a fait perdre le contrôle (chercher dans vos sentiments, votre passée, etc.) pour éviter que cela ne se reproduise. »
4-Soyez consciente de ce que vous ressentez et partagez votre pouls émotionnel avec les enfants. Par exemple, vous pourriez dire : « Ce matin, j’ai vécu une chicane avec quelqu’un (un collègue de travail, un ami, mon conjoint, un enfant… quoiqu’il ne soit pas nécessaire de dire précisément avec qui) et je me sens encore en colère. Je veux que tu saches que la colère que je ressens n’est pas liée à toi (ou au groupe). Il se peut que je m’emporte plus rapidement ou que je sois moins patiente aujourd’hui. Si ça arrive, tu pourras me faire signe ou me demander si c’est ma chicane de ce matin qui fait en sorte que j’agis de la sorte et ça va me ramener. » Voici un autre exemple : « Aujourd’hui, je me sens triste et excitée (impatiente, agitée, en manque d’énergie, anxieuse, etc.), car c’est le début des vacances et la fin de notre groupe. En disant cela, l’enfant (ou le groupe d’enfants) sera conscient et non en réaction à ce qu’ils ressentent. Ils auront moins tendance à avoir des comportements dérangeants.
5- Soyez humble. Osez dire à l’enfant (ou au groupe) que ce n’était pas votre meilleure fois, que vous avez remarqué que vous réagissez ainsi quand vous vous sentez de telle façon. Par exemple, vous pouvez dire ceci : « J’ai tendance à protéger et défendre Alex, parce qu’il me fait penser à moi quand j’étais petite. » Voici un autre exemple. Un jour, alors que je travaillais avec un groupe d’enfants âgés d’environ six ans, Benoît (nom fictif), un garçon qui était dans mon groupe, m’a présenté son dessin alors que j’étais entourée de quelques enfants. L’un d’entre eux, celui qui « fait rire le groupe » a émis un commentaire sur un élément du dessin et cela a eu pour effet de faire rire les autres enfants… et moi aussi. Benoît est sorti du local fâché. J’aurais pu choisir de continuer à sourire en allant le retrouver et banaliser le commentaire, mais j’ai plutôt été sensible à son vécu, me rappelant moi-même avoir vécu quelque chose de semblable lorsque j’étais enfant. Tout s’est passé rapidement dans ma tête et je me suis vite placée à la place de l’enfant. Avec compassion, j’ai donc dit ceci à Benoît : « Le commentaire à propos de ton dessin t’a insulté? Le fait que nous avons ri de la blague aussi? Je suis désolée que ça t’ait fait vivre ça. Si je l’avais su, je n’aurais pas trouvé ça drôle. Si je me mets à ta place, c’est vrai que ça peut être blessant. On se reprend, d’accord? Benoît venait d’être blessé dans son cœur d’enfant, mais puisqu’il s’est ensuite senti reconnu dans sa blessure, tout cela a été réparé.
C’est assurément plus long à faire comme processus, mais tellement plus aidant à long terme pour les enfants, de même que pour la relation adulte-enfant et les relations futures.
Nathalie Parent
Psychologue
1 Exercice tiré du jeu de cartes sur la connaissance de soi en vente à la boutique Educatout.com.