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Ces femmes agresseures sexuelles

Vous avez surement entendu parler du procès de Tania Pontbriand au palais de justice de Saint-Jérôme. Cette enseignante est accusée d'agressions sexuelles sur l'un de ses élèves de 15 ans entre 2002 et 2004. La professeure d'éducation physique, alors âgée de 30 ans, aurait eu entre 200 et 300 relations sexuelles avec l’adolescent.

 

Ce jeune homme aurait été initié par son enseignante, lui qui à l’époque ne savait pas encore comment embrasser. Elle m’a dit : « Embrasse-moi ». Je lui ai demandé : « Comment? » Elle m’a dit : « Comme tu veux ». Je l’ai embrassée et elle m’a demandé de lui enlever son soutien-gorge. Je ne savais pas comment et elle m’a aidé » a raconté le jeune homme. (Lire : http://fr.canoe.ca/infos/societe/archives/2011/09/20110903-023911.html)

 

L’adolescent a porté plainte en 2007 après avoir éprouvé de sérieux problèmes personnels. Le procès, qui a débuté le 30 aout 2011, se poursuivra les 28, 29 et 30 novembre prochain. Plusieurs faits doivent encore être entendus.

 

Il n’est pas rare d’entendre parler d’agressions sexuelles commises par des hommes envers des femmes. Selon la vision habituelle, l’homme est « l’agresseur » et la femme est « la victime ». Ce procès apporte un angle différent au phénomène de l’agression sexuelle. Ce pourrait-il qu’une femme puisse être l’agresseur? Plusieurs fausses croyances sont entretenues envers les femmes : une femme n’aime pas assez le sexe pour faire cela, une femme a trop « la fibre maternelle », une femme est incapable de faire cela seule, etc.

 

Les femmes agresseures sexuelles se divisent habituellement en trois catégories : celles qui abusent de très jeunes enfants (la mère qui masturbe sont poupon soi-disant pour l’aider à s’endormir), les femmes qui agressent les adolescents (ce dont il est question ici ou, par exemple, la mère qui agresse sa fille qu’elle voit comme une rivale) et les femmes qui agressent sexuellement avec un complice (souvent leur partenaire).

 

Bien que l'incidence des délits sexuels commis par des femmes demeure sous-estimée, l'ensemble des rapports statistiques situent qu’entre 4 % et 24 % des délits impliquant des garçons et 6 % à 13 % de ceux impliquant des filles seraient causés par des femmes (Kaplan & Green, 1995).[1]

 

La délinquance sexuelle est beaucoup plus répandue chez les hommes que chez les femmes puisqu’il est question d’un ratio d'environ 1 femme agresseure pour 20 hommes agresseurs. On constate aussi une grande différence entre le taux de récidive des femmes et des hommes délinquants sexuels. Ainsi, le taux de récidive chez les délinquantes sexuelles est de 1 % alors qu’il est de 13 % à 14 % pour les délinquants sexuels suite à une période de suivi de cinq ans.[2]

 

Mise en contexte :

 

L’analyse statistique se rapportant à l’incidence canadienne des signalements faits aux services de protection de la jeunesse au cours de 2003 indique que 31 % des 5 900 situations d’AS (abus sexuel) jugées fondées concernaient des garçons (Trocmé, Tourigny, MacLaurin, & Fallon, 2003). Un rapport du ministère de la Sécurité publique du Québec (2006) rapporte que l’on dénombre 930 victimes masculines d’infractions sexuelles au Québec pour l’année 2004, et 1 095 victimes masculines pour 2005. De ce nombre, les victimes les plus représentées sont âgées entre 6 et 14 ans. Les données montrent également que 21,6 % des victimes de moins de 18 ans sont des garçons. Une étude de Finkelhor (1990) menée auprès de 2 626 participants dont 1 145 hommes, tous âgés de 18 ans et plus, révèle que 16 % des hommes et 27 % des femmes interrogés affirmaient avoir vécu une situation d’abus sexuel alors qu’ils étaient mineurs. De plus, les garçons avaient été plus souvent agressés par un étranger que les filles (40 % des garçons et 21 % des filles) et ils étaient significativement moins nombreux à avoir dévoilé la situation d’abus que les filles (33 % contre 42 %).[3]

 

Vous avez probablement entendu des commentaires provenant d’hommes, de femmes et de certains animateurs des médias à propos du procès de Tania Pontbriand. J’ai entendu : « Bien voyons, il me semble que c’est le rêve de tout adolescent de s’envoyer en l’air avec sa prof! », « S’il n’avait pas voulu, il n’aurait pas été capable de bander », « Il devait le vouloir dans le fond, puisque cela a duré plusieurs années. », « Ne viens pas me dire qu’il ne pouvait pas se défendre. », etc. C’est justement ce genre de commentaires qui font que plusieurs agressions commises sur des hommes restent sous silence. Il y a tant de mythes concernant l’agression sexuelle. Tous cherchent à induire la pensée que la personne agressée sexuellement est responsable de l’agression sexuelle.

 

La réalité est beaucoup plus complexe.

 

Tout comme l’enfant de 5 ans peut se montrer curieux et excité « d’obtenir le privilège de voir le pénis du monsieur », l’adolescent peut être à la fois excité, curieux et fier d’être choisi par une femme adulte qui est, d’autant plus dans ce cas-ci, sa professeure. Les différents compliments, cadeaux et privilèges, sans compter le sentiment de pouvoir vivre « comme les adultes » peuvent être vus comme des avantages à cette situation. C’est justement une des grandes difficultés que peut rencontrer la personne agressée sexuellement. Elle se sent coincée entre ce qu’elle ressent, ce qu’elle vit et l’ambigüité de la relation : les secrets toujours plus nombreux qu’elle doit garder, la distance qu’elle doit prendre face à son entourage pour satisfaire l’agresseur et l’impossibilité de penser à mettre fin à cette relation abusive.

 

Le fait pour l’homme d’être en érection et même d’avoir un orgasme démontre une excitation sexuelle et non un consentement sexuel. L’agresseur usera de sa logique défaillante pour se convaincre lui-même que ses gestes sont bons, généreux, éducatifs, etc. Plus l’abuseur sera persuadé de la « bonté » de ses gestes, plus il pourra les justifier et les imposer à l’autre. On parle ici de distorsions cognitives.

 

Le terme « distorsion cognitive » a été introduit par Beck (1963, p. 324) dans son travail sur la dépression pour décrire « un contenu de pensée idiosyncrasique[4] reflétant des conceptualisations irréalistes ou déformées ». Cette définition fait référence à une transformation mentale incorrecte de la réalité. Ces transformations sont décrites comme distorsions cognitives, car elles ne sont pas congruentes avec ce qui est considéré comme réalité objective par des personnes extérieures (Vanhouche & Vertommen, 1999). Cependant, dans la langue française, le terme « distorsion cognitive » fait davantage référence au processus qu’aux croyances erronées qui en découlent.[5]

 

Bref, ici, l’agresseur peut se dire : « Plus ʺc’est bonʺ, plus l’ado a des privilèges, des cadeaux, moins je me sens coupable. De toute façon, il a la chance d’apprendre avec un adulte. Ce ne sont pas tous les jeunes qui ont cette chance. Je le gâte tellement et je suis affectueux avec lui. Il est chanceux que je sois là pour lui. C’est pour cela qu’il me respecte. »

 

Beaucoup d’adolescents agressés sexuellement portent la culpabilité de l’agression et en ont honte. Ceci est augmenté par le plaisir, l’érection et l’orgasme qu’ils ont pu vivre. Ils sont énormément confus. Ces commentaires, ces préjugés et ces fausses croyances ne font qu’augmenter et justifier le silence que les abusés s’imposent. Il est très difficile pour eux de dévoiler l’agression sexuelle; ils peuvent avoir peur des jugements des autres, peur d’être vus comme « un agresseur en devenir » ou craindre d’être questionnés face à leur orientation sexuelle. De plus, l’adolescent agressé sexuellement, comme toutes les autres victimes d’agressions sexuelles, cherche parfois à protéger son agresseur, envers lequel il éprouve des sentiments paradoxaux d’amour et de haine, en cherchant à lui éviter l’emprisonnement. Il se sent coincé, trahi, humilié et trompé.

 

L’adolescent dont il est question dans le dossier de Tania Pontbriand dit n’avoir jamais parlé de sa relation afin de ne pas lui causer des problèmes.

 

N’en pouvant plus de garder son secret, pensant même au suicide, le jeune homme en a parlé à un psychologue de son établissement scolaire. Celui-ci lui a suggéré de s’ouvrir à sa famille ainsi qu’à ses amis. … « Elle n’était plus ma meilleure amie et ma ʺgirl friendʺ, et je gardais un secret et ruinais ma vie pour la protéger », a-t-il dit en substance. « Quand je réalise tout ce que j’ai manqué à 15 ans, tous les mensonges racontés à ma mère, mes amis et tous ceux que j’aime, je suis tellement désolé ». (http://fr.canoe.ca/infos/societe/archives/2011/09/20110903-023911.html)

 

Au Canada, la majorité sexuelle, c’est-à-dire l'âge à partir duquel un jeune peut avoir des relations sexuelles avec un adulte sans que celui-ci ne commette une infraction, est de 16 ans. En effet, depuis 2008 la Loi sur la lutte contre les crimes violents a fixé la majorité sexuelle à 16 ans. Elle autorise toutefois les relations sexuelles avec les adolescents de 14 ou 15 ans si la différence d'âge entre les partenaires est de moins de 5 ans, par exemple, une personne qui a 14 ans avec un partenaire qui a 19 ans.

 

Fait important à remarquer, entre 2002 et 2004, époque durant laquelle se sont déroulés les évènements, la victime avait entre 15 et 17 ans. À ce moment-là, la majorité sexuelle était de 14 ans. Toutefois, en étant enseignante, Tania Pontbriand était en position d’autorité. C’est ce qui fait que cette règle ne s’applique pas. Ce n’est pas non plus parce qu’il y avait majorité sexuelle à l’époque que le mineur était consentant.

 

Il faut comprendre que la majorité sexuelle ne fait pas référence à la majorité légale qui consiste en la reconnaissance qu’un individu est civilement capable et responsable des engagements qu’il prend. Au Canada, la majorité légale est de 18 ans.

 

La majorité sexuelle n’est pas non plus la majorité matrimoniale. Celle-ci représente l’âge auquel une personne est considérée capable de s’engager dans les liens du mariage. Au Canada, la majorité matrimoniale est de 16 ans. Toutefois, avant l’âge de 18 ans, il faudra obtenir le consentement des parents ou du tuteur pour se marier.

 

Comme vous pouvez le constater, ce procès constitue une démarche complexe et souffrante autant pour l’agressé que pour l’agresseure. Ici, il n’y a aucune place pour un gagnant.

 

© Sophia Lessard,

Sexologue, maitre praticienne en programmation neurolinguistique

Auteure, communicatrice médias, formatrice, conférencière
www.sophialessard.com

info@sophialessard.com

 


[1] Les femmes responsables d’abus sexuels : refus d’une certaine réalité par Monique Tardif Psychologue et Bernadette Lamoureux, Criminologue

[2] Rapports de recherche- Examen des taux de récidive chez les délinquantes sexuelles adultes- 2005- Service correctionnel du Canada et Sécurité publique et Protection civile du Canada

[3] L’agression sexuelle : Coopérer au-delà des frontières, CIFAS p. 404

[4] Note de l’auteure : Fait référence à une façon d’organiser ses pensées selon des règles différentes et d’une façon qui lui est propre.

[5] L’agression sexuelle : Coopérer au-delà des frontières, CIFAS 2005 p. 275

 

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Auteur

Sophia LessardSophia Lessard

Sophia Lessard est sexologue, maître en programmation Neuro Linguistique (PNL), hypnothérapeute formée à l'Institut Milton H. Erickson. Elle est l'auteure du livre, « J'explore », « Pour l'amour des enfants... La découverte de la sexualité et ses mystères » aussi traduit en anglais et du CD d'hypnose « Des chemins différents... ». De plus elle est une formatrice reconnue et elle offre une multitude de formations diverses.

 

N.B. Sophia est décédée en janvier 2017, mais à sa demande nous continuons à publier ses écrits.




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